L’année 2024 pourrait marquer un tournant dans le paysage fiscal marocain, avec une probable intensification des Examens de l’Ensemble de la Situation Fiscale (EESF) des contribuables. Cette procédure, encadrée par les articles 29 et 216 du Code Général des Impôts (CGI), mérite une analyse approfondie.
Une administration fiscale plus sophistiquée
Plusieurs facteurs expliquent la tendance à la hausse des Examens de l’Ensemble de la Situation Fiscale (EESF) au Maroc. L’administration fiscale dispose désormais d’outils de recoupement de données performants, lui permettant de croiser des informations provenant de diverses sources avec une précision accrue. Les récentes modifications du Code Général des Impôts ont également renforcé le cadre légal, élargissant le champ d’action de l’administration, notamment en lui permettant d’examiner les comptes bancaires des personnes liées aux contribuables. Par ailleurs, la loi impose un délai maximum de six mois pour la réalisation des EESF, incitant ainsi l’administration à multiplier ces procédures. Enfin, l’approche ciblée adoptée par l’administration, qui permet d’attribuer d’office un identifiant fiscal aux personnes non identifiées, élargit considérablement son champ d’action et sa capacité à détecter d’éventuelles irrégularités fiscales.
Ce que prévoit la procédure d’EESF
Contribuables concernés
Conformément à l’article 216 du Code général des impôts (CGI), l’Examen de l’Ensemble de la Situation Fiscale s’applique aux personnes physiques ayant leur domicile fiscal au Maroc, tel que stipulé à l’article 23 du CGI. Cela inclut celles disposant de revenus professionnels, agricoles et fonciers, qu’ils soient déclarés, taxés d’office ou bénéficiant d’une dispense de déclaration.
Revenus concernés
L’EESF couvre les revenus professionnels, agricoles et fonciers, qu’ils soient de source marocaine ou étrangère. Ces revenus sont définis respectivement aux articles 30, 46 et 61-I du Code général des impôts (CGI). L’EESF s’applique sur la période de prescription prévue à l’article 232 du CGI.
Article 29 du CGI : Dépenses prises en compte dans l’EESF
L’article 29 détaille de manière exhaustive les dépenses considérées lors d’un EESF :
– Frais de résidence : Résidence principale (>150 m²) et résidences secondaires :
Superficie | Résidence principale | Résidence secondaire |
≤150 m² | Néant | 100 DH |
151-300 m² | 150 DH | 150 DH |
>300 m² | 200 DH | 200 DH |
– Frais de véhicules : 12 000 DH/an pour les véhicules ≤10 CV et 24 000 DH/an pour les véhicules >10 CV ;
– Frais des véhicules aériens et maritimes ;
– Loyers réels pour besoins privés ;
– Remboursements d’emprunts (principal et intérêts) pour besoins non professionnels ;
– Acquisitions de véhicules ou d’immeubles non professionnels, y compris livraisons à soi-même ;
– Acquisitions de valeurs mobilières, titres de participation, et autres titres ;
– Avances en comptes courants d’associés et prêts accordés aux tiers ;
– Toutes dépenses à caractère personnel pour le contribuable et les personnes à sa charge.
Article 216 du CGI : Procédure de l’EESF
Fait générateur
La procédure de l’EESF est engagée lorsque les revenus annuels d’un contribuable, qu’il soit professionnel, agricole ou foncier, ne correspondent pas à ses dépenses. Selon l’article 29 du Code Général des Impôts (CGI), cette procédure s’applique si le montant des dépenses annuelles excède 240 000 DH et dépasse d’au moins un quart le revenu déclaré.
Important : Pour les contribuables n’ayant pas déposé leurs déclarations fiscales, la procédure d’EESF ne peut être engagée qu’après l’initiation de la procédure de taxation d’office prévue à l’article 228 du CGI.
Modalités d’examen
– Types de contrôle : Contrôle sur pièces / Contrôle sur place (concomitant avec le contrôle du revenu global).
– Sources d’information : Recoupements effectués auprès des tiers / Données des différentes déclarations fiscales du contribuable.
– Prise en compte des ressources pluriannuelles : L’inspecteur doit considérer les dépenses pouvant provenir de ressources cumulées sur plusieurs années. L’évaluation porte uniquement sur la fraction correspondant à la période non prescrite.
Procédure d’échange et de notification
- Échange oral et contradictoire : L’évaluation fiscale devient obligatoire lorsque le revenu estimé sur la base des dépenses dépasse le revenu déclaré ou soumis à un impôt d’office. Ce processus se déroule dans les locaux de l’administration fiscale, et précède l’envoi de la première lettre de notification des redressements.
- Information au contribuable : Elle se fait par le biais d’un imprimé modèle, conformément aux dispositions de l’article 219 du Code Général des Impôts (CGI). Cet imprimé précise la date fixée pour l’échange d’informations.
- Déroulement de l’échange : Le contribuable peut formuler ses observations. L’administration prend en compte les observations jugées fondées.
- Procès-verbal : Il est établi par l’inspecteur. Une copie de ce procès-verbal est remise au contribuable, assurant ainsi qu’il dispose d’un enregistrement formel des échanges. Ce document précise la date de l’échange ainsi que les parties signataires.
- Cas particulier : Si l’EESF est concomitant à une vérification de comptabilité, l’échange porte sur l’ensemble des redressements envisagés.
- Notification des redressements : elle s’inscrit dans le cadre des procédures de rectification prévues par les articles 220 ou 221 du Code Général des Impôts (CGI). Cette notification informe le contribuable des éléments de comparaison utilisés pour justifier les ajustements fiscaux. Elle détaille les bases sur lesquelles les redressements sont fondés.
Justification des ressources
Le contribuable peut justifier ses ressources par tout moyen de preuve, notamment :
– Revenus de capitaux mobiliers soumis à la retenue à la source libératoire ;
– Revenus liés aux distributions occultes du point de vue fiscal ;
– Revenus exonérés de l’IR (sous réserve de déclaration) ;
– Produits de cessions de biens meubles ou immeubles ;
– Emprunts contractés pour des besoins non professionnels ;
– Encaissement de prêts précédemment accordés à des tiers.
Conclusion
L’EESF est une procédure complexe nécessitant une préparation minutieuse. Face à l’intensification probable de ces examens en 2024, une compréhension approfondie des articles 29 et 216 du CGI est cruciale. Notre cabinet d’expertise comptable est à votre disposition pour vous accompagner dans la préparation et le suivi d’un éventuel EESF. Que ce soit pour un diagnostic préventif ou une assistance en cas de contrôle, notre équipe d’experts saura vous guider à travers les complexités de cette procédure. N’hésitez pas à nous contacter pour bénéficier d’un accompagnement personnalisé et optimiser votre situation fiscale face à ces examens approfondis.